Production d’hydrogène par vaporéformage de méthane

Définition: Le vaporéformage de méthane est une réaction chimique consistant à extraire le dihydrogène du méthane à l’aide de vapeur d’eau à haute température (700-1000°C) à des pressions modérées (15-30 bars).


Le vaporéformage de méthane est un moyen de production d’hydrogène à partir de méthane grâce à de vapeur d’eau à haute température (700-1000°C) à des pressions modérées (15-30 bars). C’est la base du procédé Haber-Bosch. Même si on peut aussi utiliser de la naphte, du méthanol ou du gaz de pétrole liquéfié, du fuel et du diesel, en pratique, on utilise surtout le méthane (CH4). (Garcia 2015, p.99 et s.) Nous n’étudierons donc que ce dernier cas. Nous allons voir la réaction chimique elle-même, puis ses dimensions pratiques.

Cet article fait partie de notre dossier “Hydrogène, autonomie et transition énergétique“.

Réaction chimique du vaporéformage de méthane

Les grandes lignes

La principale réaction chimique du vaporéformage de méthane est: CH4+H2O = CO+3H2. Pour se produire dans le « bon » sens (production d’H2), la réaction demande une énergie de +206kJ/mol. On utilise un catalyseur en nickel.

C’est l’opération de vaporéformage à proprement parler.

Toutefois, on va rajouter une autre réaction importante pour récupérer encore un peu plus de dihydrogène à l’aide du monoxyde de carbone obtenu précédemment: la « Water–gas shift reaction«  (= « conversion catalytique » ou « conversion à la vapeur d’eau« ) : CO+H2O = CO2+H2. Cette réaction-ci produit un peu d’énergie ((ΔHθ=−41kJ/mol).

Il semble qu’il y a d’autres réactions qui peuvent se faire. Par exemple

  • le « vaporéformage à sec », utilisant du CO2 à la place de la vapeur : CH4+CO2= 2CO + 2H2 (enthalpie 247,3 kJ/mol)
  • La décomposition du méthane, CH4= C+2H2 (enthalpie 74.9 kJ/Mol);
  • La réaction de Boudouard, 2CO= C + CO2 (enthalpie -172.5 kJ/Mol). (Garcia 2015)

Pour simplifier, je n’en parlerai pas.

Le processus industriel de vaporéformage du méthane

Désulfuriser le méthane

La première étape consiste à désulfuriser le méthane, le catalyseur étant très sensible aux composés sulfurés. On utilise en général pour cela un « lit d’oxyde de zinc ». Le « gaz quitte cette section avec une teneur en soufre inférieure à 1 ppm et une température entre 350 et 400 °C. » (Garcia 2015, p.86)

Réformage

Ensuite, on passe dans l’unité de réformage à proprement parler. L’ensemble gaz naturel / vapeur d’eau est chauffé à 800-900 °C à une pression entre 15 et 30 bars. Pour accélérer la réaction, on utilise un catalyseur à base d’oxyde de nickel, placé dans le réformeur sous forme d’un lit fixe. (Garcia 2015)

Conversion catalytique

Ensuite, c’est la conversion catalytique, qui mobilise deux unités. La première, à haute température, est dite « HTS » pour « high temperature shift » avec un catalyseur en général Fe2O3-Cr2O3. Le gaz, refroidit, rentre à 350°C et sort à 400-450°C, Pour un « flux typique », entre 8 et 10% de monoxyde de carbone (CO), l’opération réduit ce dernier à 4%. (Navarro et al. 2015 écrivent entre 350 et 420°C, mais j’ai gardé le chiffre de Garcia 2015)

La seconde unité est dite LTS (low temperature shift) et utilise un catalyseur à base de cuivre, de zinc et d’aluminium. Le gaz, refroidi, rentre à 220°C, puis est maintenu en dessous de 260°C. réduit la proportion de CO à 0.4-0.8%. (Navarro et al. 2015 écrivent entre 180 et 340°C, mais j’ai gardé le chiffre de Garcia 2015)

Purification et conclusion

Enfin, il faut retirer les derniers contaminant (CH4 non convertis, résidus de CO, etc.), qui sont en général retirés par « une unité d’adsorption modulée en pression ». Le résultat serait un flux d’H2 pur à 99,99%. (Navarro et al. 2015) Le processus est néanmoins couteux: parfois plus de 10%. (Garcia 2015, p.92)

Voici un schéma du processus (rq: on voit bien que la séparation entre vaporéformage et conversion catalytique):

File:Steam Reforming (SMR) Process Flow.jpg
Wikipedia

Le « prereformage » est important s’il ne s’agit pas de méthane pur. La vapeur et l’hydrocarbure sont alors rassemblés dans une unité de préréformage, où « tous les hydrocarbures à haute teneur sont convertis directement en composants C1 [=à 1 carbone?] (méthane et oxydes de carbone) à basse température, généralement de 673 à 823 K [=400 à 550°C] ». La chaleur peut monter jusque 1073K (=800°C) pour réduire les risques de formation de résidus de carbone. (Navarro et al. 2015)] (je mets entre crochets, puisqu’ici on parle de méthane)

Il y a plusieurs pistes d’amélioration du procédé :

  • Utiliser des catalyseurs sous forme de membranes, ce qui pourrait fluidifier la réaction et faire une première purification. (Garcia 2015, p. 89 et s.)
  • Le « sorption-enhanced reforming » (= réformage à sorbtion améliorée ?) mobilisant une substance absorbant le CO2 (ex: CO2(g) + CaO(s) => CaCO3 (s)), ce qui permettrait de simplifier le dispositif et d’éviter des pertes liées à la purification. (Garcia 2015, p. 92 et s.)
  • L’utilisation de microréacteurs (= ce qu’on a appelé des unités), ce qui permettrait d’intensifier le processus, de mieux gérer les pertes chaleur et, en créant de plus petites installations, une production décentralisée d’hydrogène. (Garcia 2015, p. 97 et s.)

Le vaporéformage de méthane en pratique

S’agissant du prix, les estimations varient. Selon Fossil Fuel Hydrogen, Technical, Economic and Environmental Potential, le prix de production de l’hydrogène par vaporéformage de méthane, sans dispositif de capture de carbone, serait entre 0.55$ et 2.04$ /kg d’H2 avec une médiane à 1.3$. Avec capture de carbone, le prix serait de 2$. Le CEA (2021) estime son prix à 1.5€/kg d’H2.

Ce sont des aspects que je creuserai ultérieurement.

Impact écologique

Rappelons la réactions initiale (CH4+H2O = CO+3H2), puis la conversion catalytique (CO+H2O = CO2+H2). Donc, au total, on a CH4+2H2O= CO2+4H2. En supposant qu’il n’y a que ces réactions et qu’elles soient complètes, 4 molécules d’H2 sont créée en même temps que 1 de CO2. Ce dernier a une masse molaire de 44g, 2g pour le dihydrogène. Produire 8g d’hydrogène libère donc automatiquement 44g de CO2, 1kg d’H2 libère donc 5.5kg de CO2.

Cela ne prend pas en compte l’énergie fossile nécessaire pour chauffer les cuves.

Les estimations sont en général, qu’au total, produire 1kg d’H2 par vaporéformage de méthane libère 8-10kg de CO2. Il faut néanmoins prendre aussi en compte les fuites de méthane, qui portent le bilan carbone de l’opération à environ 14kg de CO2 par kg d’hydrogène produit.

Le GIEC en parle comme étant une solution intéressante, couplé à la CCS:

On the demand side, natural gas can be used to produce hydrogen using steam methane reforming, which is a technologically mature process (Sections 6.4.4 and 6.4.5). When combined with 90% CO2 capture, the costs of producing hydrogen are around USD1.5–2 kg(H 2)–1 (Collodi et al. 2017; Newborough and Cooley 2020), considerably less than hydrogen produced via electrolysis

IPCC, WG III, p.647 (Energy)

Le vaporéformage du futur, basé sur la sorption-enhanced reaction ?

Une étude aurait montré qu’un vaporéformage du méthane basé sur la « sorption-enhanced reaction » (SER) permettrait de produire un dihydrogène déjà purifié (~0.00001% CO) sans filtration PSA ni conversion catalytique, avec une très haute efficience (>99% de l’hydrogène du CH4 récupéré sous forme d’H2) à des températures moindres (520-590°C). ( 2014, p.9 et s.)

La différence serait imputable à

« (a) équilibre thermodynamique favorable de la réaction SMR hautement endothermique à la température de réaction plus élevée, (b) une cinétique plus rapide de la réaction SMR à plus haut températures, (c) une élimination favorable du CO2 de la zone de réaction à des températures inférieures températures, et (d) une capacité de travail cyclique plus élevée pour la chimisorption du CO2 à température plus élevée. »


FAQ

  • Comment on produit de l’hydrogène ?

L’hydrogène est essentiellement produit par vaporéformage de méthane, oxydation partielle de pétrole ou bien gazéification du charbon. Le mode de production d’hydrogène potentiellement décarboné, l’électrolyse de l’eau, ne représente qu’environ 4% de la production totale.

  • Comment fonctionne le vaporeformage ?

Le vaporéformage consiste à exposer un hydrocarbure léger (le méthane en l’espèce) à de la vapeur très chaude pour lui faire libérer l’hydrogène qu’il contient. Cela suppose un apport de chaleur.

  • Où se trouve l’hydrogène ?

L’hydrogène est l’atome le plus répandu sur Terre et même dans l’Univers. Toutefois, il est rare sous la forme souhaitée: le dihydrogène. S’il existe des gisements de dihydrogène, ils ne sont pas encore exploités.

  • Quelle est l’utilité du méthane ?

Le méthane est un gaz d’une utilité cruciale tant pour la production d’énergie sous forme de chaleur (pour produire de l’électricité ou bien produire de la chaleur pour l’industrie) qu’en tant que matière première.


Pour aller plus loin sur ce sujet :


Bibliographie

  • Département américain de l’énergie, « Hydrogen Production: Natural Gas Reforming »
  • Navarro R.M., Guil R., Fierro J.L.G. (2015), Introduction to hydrogen production, in Compendium of hydrogen energy, Vol. 1 Hydrogen production and purification, éd. Woodhead Publishing, Kidlington, 2015
  • Garcia L. (2015), Hydrogen production by steam reforming of natural gas and other nonrenewable feedstocks, in Compendium of hydrogen energy, Vol. 1 Hydrogen production and purification, éd. Woodhead Publishing, Kidlington, 2015
  • Zhong Zhang J., Li J., Li Y., Zhao Y., « Hydrogen Generation, Storage, and Utilization », éd. Wiley, 2014